On ne nait pas manager, on le devient

Connaissez-vous Roger ? Roger est mon ami d’école. Nous nous sommes revus la semaine dernière. Il me confiait être préoccupé par son rôle de manager.

Marianne Quéro

Sophie Plumer

Roger mène une belle carrière dans une grande entreprise française. Il a d’excellents résultats, est engagé et a une connaissance profonde des sujets, des clients et de l’entreprise. Il a alors été promu manager d’une équipe il y a deux ans. 

Depuis cette promotion, tout a changé.  Roger n’a plus le temps nécessaire pour exercer son métier comme il l’entend. Il passe ses journées en réunion. Il peine à motiver et fidéliser ses équipes qui ne fournissent pas de bons résultats.

Son chef lui reproche son manque de performance et ses difficultés à fidéliser ses talents. Il a fait comprendre à Roger qu’il devait changer ses pratiques pour “manager plus positivement”. 

Roger ne pouvait pas mieux tomber pour discuter de ce sujet avec moi : pendant l’été, j’ai écouté toute la première saison de “Chef[fe]” , le podcast dédié au management positif.  

Voici ce que j’ai conseillé à Roger. 

Pourquoi et comment appliquer le management positif auprès de son équipe?

Voir son équipe démotivée et ne pas avoir d’idée pour recréer du lien et s’imposer en tant que manager est une situation difficile. C’est néanmoins un contexte rencontré par bon nombre de managers. 

Il est fréquent que la direction d’une entreprise décide de promouvoir manager celui ou celle qui est le/la plus performant.e et qui fournit les meilleurs résultats. Les qualités humaines sont les grandes oubliées de la compétence managériale alors qu’elles sont la clé d’un bon management.

Dans le premier épisode de Chef[fe], Charlotte Cadé qui est CEO de Selency, explique comment elle a créé son entreprise à la sortie de l’école et nous raconte les différentes phases par lesquelles elle est passée pour devenir la manager qu’elle est aujourd’hui. 

Il est évident qu’on ne nait pas manager mais on apprend à l’être, on fait des erreurs et on en tire des apprentissages.

Si ce constat n’est pas satisfaisant, il a rassuré mon ami Roger qui a compris qu’il n’était pas seul et que sa situation n’était pas désespérée.

L’importance de se connaître : suis-je fait pour être manager ?

Mon premier apprentissage est que le rôle de manager n’est pas une responsabilité comme les autres. Manager, ce n’est pas occuper le même poste mais de manière plus intense ou plus compliquée.

Être manager, c’est avant tout diriger une équipe : la guider, l’accompagner, connaître et comprendre ses membres. Être manager, c’est s’intéresser de manière sincère à l’autre pour le motiver, le faire évoluer, le former mais aussi pallier aux contraintes personnelles et composer avec les états-d ’âme.

Alors, avant de se lancer dans cette aventure, il est important de se demander si ce rôle et ce qu’il implique nous conviennent. 

Roger s’est rendu compte qu’il ne s’était jamais demandé si ce rôle lui plaisait ni ce que cela impliquait vraiment. Il m’a confié qu’il n’avait pas pris le temps de connaître ses collaborateurs. Aujourd’hui, il comprend mieux pourquoi ils n’apprécient pas travailler avec lui et décident de quitter le navire

Un manager, c’est avant tout le capitaine de son équipage. 

Un manager n’avance pas tout seul : il est entouré, et surtout, il sait bien s’entourer. Cela commence donc dès le recrutement

L’objectif de l’équipe, c’est d’arriver à bon port. Pour cela, le manager doit s’assurer qu’il a de bons marins et qu’il en a suffisamment pour guider le navire.

Pour endosser le costume de manager « capitaine de navire », j’identifie donc 2 actions prioritaires : 

  • Bien connaître son équipe pour en tirer le meilleur parti et savoir placer chacun d’entre eux au poste qui lui convient le mieux ;
  • Bien recruter les nouveaux membres de l’équipe.

Bien connaître son équipe

Ludovic Girodon, auteur du livre “Dream Team” et invité de l’épisode n°3 insiste sur le fait que la priorité du manager doit être l’équipe. 80% de son temps doit y être dédié. Le manager doit alors revoir la manière dont il organise ses journées, les tâches qu’il réalise et surtout celles qu’il délègue.

Pour bien déléguer et tirer parti de son équipe, le manager doit d’abord connaître le parcours de ses collaborateurs, leurs compétences et leurs leviers de motivation. Avec ces éléments, il a une vision juste de ce que son équipe peut réaliser et confier des tâches cohérentes selon le parcours de chacun.

Le manager a aussi une vision juste des compétences et des profils manquants et est donc plus à même de savoir quels recrutements il doit mener.

Recruter les bonnes personnes :

Les bonnes personnes sont celles qui ont les compétences et aussi l’envie de rejoindre le navire.

Pour attirer et fidéliser les profils recherchés, la marque employeur et la culture d’entreprise doivent séduire les candidats autant que les candidats doivent séduire le recruteur.

A ce titre dans l’épisode 2, Isabelle André Perussi dit une phrase marquante : 

A la fin d’un entretien de recrutement, c’est plutôt le candidat qui va nous demander pourquoi il viendrait chez nous plutôt que chez quelqu’un d’autre.

Revenons à mon ami Roger. Au fur et à mesure de notre échange, il a pris conscience qu’il était resté dans sa posture d’expert et qu’il n’avait pas adopté la posture de capitaine.

Il a laissé ses collaborateurs naviguer en solitaire mais n’a pas pris le temps de s’intéresser et de mettre en cohérence les actions des membres de l’équipe.

Il a alors décidé de faire un point avec chacun pour y remédier et de construire une vision claire de leurs compétences et de leurs activités.

Deux qualités clés : l’écoute et la transparence

L’écoute des collaborateurs pour une relation managériale saine et performante

En tant que manager, être à l’écoute de ses collaborateurs est indispensable. L’oreille attentive du manager envers ses collaborateurs est bénéfique pour les deux parties de la relation managériale :

  • En questionnant régulièrement voire quotidiennement les collaborateurs sur leurs avancées, les difficultés ou les succès qu’ils rencontrent. Le manager, sans être un expert, garde une vision globale des projets de l’entreprise et reste alerte sur ce qu’il se passe sur le terrain. C’est grâce à cette hauteur de vue qu’il peut débloquer certaines situations. Les différents avis qu’il recueille peuvent également lui permettre de modifier rapidement ses pratiques managériales selon les retours de son équipe.
  • Prendre le temps d’écouter ses collaborateurs, c’est aussi rendre leur parole plus légitime. En sentant que leur parole compte, les collaborateurs se sentiront plus intégrés et concernés par les enjeux de l’entreprise. C’est ainsi que la confiance se crée. 

Comment mettre en place des temps d’écoute ? 

Dans l’épisode 3 de la saison 1 de Chef[fe], Ludovic Girodon insiste sur la pratique fréquente de l’entretien en one to one. Pour lui, il ne faut surtout pas attendre l’entretien annuel pour se dire les choses. Il suggère d’organiser des temps de parole et d’écoute avec chacun de ses collaborateurs à fréquence régulière, toutes les semaines ou tous les mois selon les besoins de chacun. 

C’est aussi une pratique que met en place Clément Meslin, CEO d’Edflex. Il a d’ailleurs partagé dans l’épisode 9 le déroulé type des échanges hebdomadaires qu’il a avec ses collaborateurs.

Clément pose toujours les mêmes questions à ses collaborateurs : 

  • Quelles sont tes priorités du moment ?
  • Quels sont tes points de stress ?
  • Comment puis-je t’aider ? 
  • Sur une échelle de 1 à 10, comment vas-tu ? 

La transparence : un gage de confiance et d’efficience

L’écoute, à elle seule, ne suffit pas pour manager positivement. La transparence est le deuxième pilier d’une bonne communication entre manager et collaborateur.

Informer ses collaborateurs de la santé de l’entreprise, des obstacles ou des succès qu’elle rencontre, c’est les intégrer pleinement dans la vie de l’entreprise. Cela renforce la confiance des collaborateurs envers leur manager. En effet, un manager opaque qui n’informe pas suffisamment ses collaborateurs accentue le sentiment de hiérarchie et peut se heurter à des incompréhensions.

Joel Gascoigne, CEO de Buffer, énonce à ce propos : 

Si vous voulez que les gens prennent des décisions intelligentes, ils ont besoin du contexte et de toutes les informations disponibles. Et si vous voulez que les gens prennent les mêmes décisions que vous le feriez, d’une manière évolutive, vous devez leur donner les mêmes informations que vous.

Adrien Salamon, fondateur de Panopli et invité de l’épisode n°14 a mis en place le conseil de Joel Gascoigne. Au micro de Chef[fe], il raconte la délicate période de la pandémie vécue au sein de l’entreprise. Il a communiqué en toute transparence sur la santé de l’entreprise. Le message était clair : si les objectifs n’étaient pas atteints, certains postes devraient être supprimés. Ses collaborateurs l’ont remercié et ont pris leurs responsabilités pour que ça n’arrive pas. 

Il est évident qu’une relation de confiance entre manager et collaborateur se construit à deux. Les collaborateurs sont aussi tenus à l’écoute et la transparence.  Mon propos est destiné ici aux managers car ils doivent aussi montrer l’exemple. 

Être honnête avec soi-même : on n’est finalement pas toujours fait pour être manager...

 

Parmi tous ces conseils, j’ai peut-être oublié le plus important  : et si on n’est pas fait pour endosser le rôle de manager ?

Alors il faut se l’avouer et ce n’est pas grave. Mieux vaut partir que de subir ce rôle qui est primordial pour le bien-être de l’équipe. 

Le dernier épisode de la saison 1 de Chef[fe] traite justement de cette problématique : Laurent Brouat raconte comment il a pris la décision d’arrêter d’être chef et quelles ont été les étapes de sa remise en question.

Après une longue période d’essai, de coaching et d’introspection, il s’est tout simplement rendu compte qu’il n’était pas heureux. 

Pour résumer, je dirais que le plus important est de savoir qui l’on est et quel manager nous avons envie d’être ? 

Mais une fois qu’on est capitaine du navire, il est primordial de s’accorder des temps d’écoute, de transparence, de prise de recul avec son équipe et pour soi-même. 

La saison 2 de Chef[fe] démarre et nous promet encore de belles leçons de management.