La transparence au service d’une relation managériale performante

Apple la secrète ou Buffer la transparente : quel camp choisir ? le camp de la performance !

Dans un monde en mouvement, la performance d’un collaborateur est sa capacité à s’adapter. Dans un monde en crise, la performance de l’entreprise tient dans l’engagement et la fidélisation de ses talents.

Dans un monde où la guerre des talents est déclarée, la performance du manager réside dans sa capacité à fidéliser et à développer son équipe.

Il doit alors créer une relation managériale solide pour faire face aux tempêtes : chasse du marché, perte de sens ou juste une envie de changement.

Cette relation doit être résilientebasée sur la confiance et capable d’amortir les chocs dans la durée. Un salarié sur deux ne quitte pas son emploi mais il quitte son manager d’après Ludovic Girondon. Cette responsabilité est donc clé.

Mais par où commencer ? La confiance ne se décrète pas, elle se construit et s’entretient en s’appuyant sur plusieurs ingrédients : la crédibilité, la proximité, l’impartialité, le respect, la responsabilisation, l’autonomie …

En septembre 2019, 35% des salariés n’avaient pas confiance en leur management et 86% en attendaient plus de transparence. La transparence serait-elle une porte d’entrée de la confiance ?

Mes 10 ans de carrière chez Wavestone m’ont appris que la transparence était une brique importante de la confiance. Elle ne laisse aucun doute sur les pratiques managériales et la politique RH de l’entreprise. La transparence est une discipline : une fois adoptée, elle apporte un cadre et une ligne de conduite au manager. Elle simplifie certains actes de management pour assurer sa performance.

Dans cet article, j’ai ainsi cherché à comprendre comment la transparence alimente la confiance et la performance d’une relation managériale. J’ai aussi voulu apporter aux managers des bonnes pratiques pour injecter de la transparence dans leurs relations avec les collaborateurs.

Les vertus d’un management plus transparent et authentique

La transparence au service de la performance de l’entreprise

Quand les employés pensent et agissent comme des patrons, tout le monde est gagnant— Jack Stack dans The Great Game of Business.

En 1983, Jack Stack ouvre les comptes de son entreprise pour impliquer ses salariés. Son objectif est simple : ils doivent comprendre ce qui fait la performance de leur organisation pour agir dessus. Et ça marche !

Cette démarche devient même une méthode : l’open book management qui prône une communication transparente au service de l’engagement des collaborateurs.

Pour viser une meilleure compréhension de l’entreprise, il ne s’agit pas de tout publier et noyer les salariés sous des informations qu’ils ne pourront pas utiliser à bon escient.

La clé est la pédagogie. L’entreprise doit communiquer les informations utiles et digestes pour que les collaborateurs comprennent leur écosystème et en fassent bon usage dans leurs métiers.

Joel Gascoigne, le CEO de Buffer, dirige son entreprise avec cette philosophie.

Si vous voulez que les gens prennent des décisions intelligentes, ils ont besoin du contexte et de toutes les informations disponibles. Et si vous voulez que les gens prennent les mêmes décisions que vous le feriez, d’une manière évolutive, vous devez leur donner les mêmes informations que vous.

Bien sûr, toutes les entreprises ne publieront pas les mêmes informations. Plus le cœur de métier est sensible, plus les informations communiquées seront sélectionnées avec soin. Dans ce cas, il est pertinent de communiquer le niveau de transparence choisi par l’entreprise et les raisons de ce choix.

Prenons le secteur du conseil que je connais bien et qui est très compétitif. La rémunération est un des principaux leviers de fidélisation et d’attractivité des talents.

Wavestone a décidé de jouer la carte de la transparence sur ce sujet et de publier sur son intranet 95% des informations liées à sa politique de rémunération et d’évaluation. Les partis pris, les repères salariaux, les grilles d’évaluation, le déroulé des comités d’évaluation sont accessibles en 2 clics.

Les 5% d’informations non publiés ne sont pas confidentiels mais concernent un nombre très restreint de collaborateurs. Wavestone a donc choisi un canal de diffusion plus adapté que l’intranet : le manager.

En adoptant la transparence sur un sujet aussi structurant, Wavestone a mis en valeur ses pratiques et a fait en sorte que la rémunération et l’évaluation ne soient pas des points de tension entre manager et collaborateur.

En plus d’avoir un taux de turnover maîtrisé et une performance économique remarquable, l’entreprise figure dans le TOP 5 du palmarès Great Place to Work.

Quant à Buffer , ils vont encore plus loin! La transparence est un pilier de sa culture d’entreprise, même en externe. Les salaires sont publics, les détails des levées de fond ou le code de leurs applications sont publiés.

Mais pas de panique, si l’entreprise ne publie pas ses salaires : le manager a des marges de manoeuvre pour être transparent à son niveau !

Valoriser les collaborateurs pour améliorer leur engagement

La forme la plus aboutie de l’écoute consiste à jouer pour la personne en face de vous le même rôle que le trampoline joue pour l’enfant : elle donne de l’énergie, de l’accélération, de la hauteur et de l’amplification.

La reconnaissance est à 100% le rôle du manager de proximité.

Il peut utiliser des leviers de reconnaissance matérielle comme des primes ou une formation. Mais si c’est un moyen essentiel, ce n’est pas suffisant car ces méthodes ne visent que le court terme.

Pour viser le long terme, le manager doit servir le bien-être du collaborateur et utiliser des leviers de reconnaissance immatérielle. La transparence en est un.

En donnant accès à une information qui n’est pas en lien direct avec son travail ou en passant du temps avec lui pour le faire réagir sur une question stratégique, le manager reconnaît la valeur de son équipe.

L’échange à teneur “confidentielle” valorise et responsabilise le salarié qui se sent engagé et surtout digne de confiance.

La qualité de la communication managériale est d’ailleurs au cœur d’un récent article de l’Institut Great Place to Work. Pour l’institut, elle doit renforcer l’engagement et l’autonomie des salariés pour permettre aux entreprises de faire face à la crise actuelle.

Les collaborateurs doivent se sentir acteurs de ce changement pour mieux le comprendre et y adhérer.

En matière de communication et de management, Apple est à la fois un exemple et un ovni. Apple est une des entreprises les plus secrètes de la planète. Elle est organisée en toutes petites équipes pour maintenir l’esprit start-up et éviter au maximum la diffusion d’informations confidentielles. Dans ce contexte, la transparence a encore plus de valeur et Steve Jobs, en géni de la communication, l’utilisait à bon escient.

A l’époque où il était CEO, Jobs réunissait tous les ans le “Top 100” dont la participation était un symbole de confiance et de reconnaissance de la part du fondateur. Steve Jobs distribuait les invitations sur la base de son appréciation propre. Etaient ainsi élus ceux qu’il choisirait s’il devait recréer l’entreprise et ceux qu’il voudrait avoir à ses côtés si la firme était en difficulté.

En temps normal, la confidentialité était une obsession pour les salariés d’Apple, Adam Lashinsky décrit d’ailleurs très bien ce phénomène dans son livre “Inside Apple”. Le Top 100 était au contraire le lieu de la transparence et donc de la confiance vis à vis des participants. C’était le lieux des grandes annonces : le dévoilement du concept d’Apple Store, le premier iPod ou l’iPad 2 y ont été présentés en avant première.

Renforcer la crédibilité du manager

La transparence implique, responsabilise et crée la confiance avec les collaborateurs, ce qui impacte la performance de l’entreprise. Bien sûr, elle n’en est pas le seul levier. Mais l’inverse est vrai : le manque de transparence est dévastateur.

On ne compte plus les scandales ou petits décalages, qui créent des grandes frustrations avec le temps, dont l’origine est le manque de transparence. Ce phénomène touche tous les secteurs : agroalimentaire, financier, industriel, politique, conseil.

Dans mon expérience personnelle, j’ai vu des managers perdre en quelques minutes la crédibilité et la confiance qu’ils avaient construit avec leurs équipes.

Le faux pas n’était jamais une erreur de stratégie ou un manque de compétences mais toujours une absence de transparence. Par manque de courage ou de temps, ils n’avaient pas annoncée la promotion d’un collègue que personne n’attendait, les raisons d’un départ ou d’une absence d’augmentation.

Annoncer des mauvaises nouvelles n’est pas chose aisée mais illustre le courage du manager et renforce sa crédibilité. Le courage se révèle dans les moments difficiles, dans les moments où l’enjeu est important. N’est-il pas facile d’être courageux quand tout va bien ?

J’ai en tête le départ d’un collaborateur suite à un arrêt maladie longue durée. Il avait décidé de quitter la région parisienne pour des raisons personnelles et médicales.

L’équipe de direction n’avait pas commenté de manière précise ce départ. Après plusieurs semaines, nous avons découvert que certains collaborateurs avaient imaginé que nous avions procédé à un licenciement abusif. Dès que nous avons pris conscience des rumeurs qui couraient, un membre de la direction a pris la parole pour y mettre fin et faire la totale transparence sur le départ de ce collaborateur (avec son accord).

Mais cette communication tardive a eu du mal à convaincre, vue par certains comme du “bullshit” supplémentaire pour maquiller les vraies raisons du départ. Nous avons alors pris l’habitude d’une transparence totale et même d’une session de questions-réponses pour les départs les plus sensibles.

Avec le temps, la confiance a été restaurée et ces sessions n’avaient plus leur utilité. Les collaborateurs qui avaient des questions les posaient directement au management.

Plus la situation est difficile, plus le manager doit être transparent et sincère. C’est d’ailleurs un des conseils d’Oussama Ammar dans son article “Restructuring your business” au sujet des impacts de la crise du Covid-19 sur certains business.

La première chose est d’être franc et honnête avec les gens dès le début au sujet des réductions de personnel que vous devez faire. Si vous avez des employés que vous devez laisser partir, prévenez-les dès que possible.

Mon idée ici n’est pas du tout de prôner les licenciements ni les départs d’entreprise, mais ces situations extrêmes sont à mon sens de bons exemples pour toucher du doigt la notion de courage et de transparence.

La transparence est une question d’équilibre et d’agilité. Communiquer sur tout, tout le temps noie l’information. Le manager doit plutôt être à l’écoute des besoins d’informations de ses collaborateurs et adapter le niveau de transparence qu’il injecte dans sa communication. C’est l’objet de la deuxième partie de cet article.

Comment injecter de la transparence dans ses pratiques managériales ?

1. Etre exemplaire et donner l’impulsion

La transparence demande du courage et du tact, ce sont des qualités qui s’apprennent avec le temps et demandent de l’entraînement. Le manager peut facilement injecter plus de transparence dans certains temps fort de la relation managériale.

  • Adopter la stratégie de l’open book dès la première rencontre. C’est à dire communiquer au collaborateur les informations dont il a besoin pour bien fonctionner avec son manager : son parcours, son domaine d’expertise, sa mission au sein de l’entreprise, le meilleur moyen de communiquer avec lui, ce qu’il apprécie (la ponctualité par exemple) et ce qu’il apprécie moins (les longs échanges par SMS par exemple).
  • Lors de l’évaluation, le collaborateur doit connaître dès le début les critères d’évaluation qui seront pris en compte et ses priorités. A titre personnel, j’apprécie la transparence sur les avis que mon manager a pris pour challenger ma performance, cela donne de la crédibilité à son analyse. Chez Wavestone, les guidelines sont fixées tous les ans lors de l’entretien annuel et peuvent même être modifiées en cours d’année lors de l’entretien semestriel pour mieux s’adapter à l’actualité de l’entreprise et du collaborateur.
  • Si un changement important survient (stratégie, organisation, outil), le collaborateur est plus performant s’il comprend ce qu’il se passe et les éventuelles difficultés qu’il va rencontrer. Le manager doit alors expliquer ces changements mais également être transparent sur les impacts, positifs et négatifs. On pourrait détourner le fameux adage et l’appliquer à la conduite du changement et au management :“Un salarié averti, en vaut deux”.

2. Créer des conditions propices à l’échange

Le manager est garant de la nature des échanges qu’il a avec son équipe. S’ils ne sont pas satisfaisants, il doit apporter des ajustements : sur le fond ou sur la forme.

Il peut par exemple instaurer des moments privilégiés pour aborder des thèmes plus personnels afin de mieux connaître son collaborateur : ses leviers de motivation, son projet professionnel, ses difficultés, son ressenti sur le fonctionnement de l’entreprise …

Le collaborateur peut néanmoins avoir du mal à se livrer si ce n’est pas un exercice habituel. Il faut donc aller encore plus loin dans les conditions d’échange : “sortir des sentiers battus” !

Dans une conférence Ted, la DRH d’Adeo prône le Walk & Talk”, c’est à dire réaliser des entretiens en marchant.

Avec cette méthode, elle marche entre 30 et 50km par semaine. En plus d’être un exercice physique bon pour la santé et la sécurité sanitaire, le changement d’environnement permet d’avoir de nouvelles idées et favorise l’authenticité des discussions.

Avec son équipe, elle profite de ces moments pour aborder des sujets moins conventionnels qui n’ont pas besoin d’être soutenus par une présentation powerpoint et pour lesquels la présence physique d’une table ou d’un bureau est une barrière à l’échange.

Elle se rend compte qu’en marchant, le naturel prend le dessus : le collaborateur adapte le rythme de marche à son état d’esprit et se livre davantage.

A titre personnel, les 10 minutes de marche commune entre le bureau et le métro m’aident souvent à mieux comprendre le moral d’un membre de mon équipe… et inversement je pense.

3. Garantir l’harmonie dans le fonctionnement de l’équipe

Le manager doit créer des relations individuelles fortes avec ses collaborateurs. Mais l’entreprise ne fonctionne pas qu’avec des relations individuelles. Les relations entre les membres d’une équipe doivent également être de bonne qualité pour faire jouer l’intelligence collective.

Le rôle du manager est de s’assurer que les réunions d’équipe sont des moments constructifs et harmonieux. C’est à dire où chacun peut s’exprimer librement, mettre sur la table des sujets complexes ou des sujets qui fâchent mais qui nécessitent d’être résolus.

Là encore, si la transparence n’est pas de mise au sein de l’équipe, s’il y a des non-dits ou des jeux politiques, les membres se désengagent et la performance de l’équipe en pâti.

Une université américaine forme ses leaders dans une démarche inspirée de leur équipe de basketball “The Buttler way”. Cette équipe a créé l’exploit en étant la plus petite université à arriver en phase finale de la NCAA deux années consécutives.

The Butler Way exige l’engagement, nie l’égoïsme, accepte la réalité, mais cherche à s’améliorer chaque jour tout en mettant l’équipe au dessus de soi

Le coach a pris quelques mesures inédites pour créer l’harmonie entre les joueurs. Ces mesures peuvent s’appliquer au monde de l’entreprise :

  • Il n’y a pas de capitaine d’équipe, tous les joueurs sont des capitaines. Ils sont responsabilisés pour amener leurs forces à l’équipe au lieu de se reposer, parfois aveuglément, sur un leader. Il y a un coach bien sûr, rôle que doit jouer le manager.
  • Dans les séances de debriefing des matchs, chacun doit faire preuve d’humilité et s’exprime sur ce qui a marché et moins bien marché. Le droit à l’erreur est valorisé, ils apprennent et s’améliorent plus vite.

Bien sûr, cette méthode peut prendre du temps et nécessite à chacun de s’adapter. Au plus réticents, le coach demande d’ailleurs :

Tu préfères que ton équipe gagne mais que tu ne marques que 5 points, ou que ton équipe perde mais que toi tu ais marqué 20 points ?

A méditer!

La notion de transparence fait appel à bien d’autres notions pour nourrir la confiance. C’est pour cela qu’elle est une bonne porte d’entrée.

Si un manager applique la transparence dans ses relations avec ses collaborateurs et l’injecte dans le fonctionnement de son équipe, il va travailler son exemplarité, son courage managérial, sa créativité, sa communication, sa crédibilité. Il va également insuffler le respect, l’autonomie et l’authenticité.

Si le manager doit être un gardien de la qualité de la relation et impulser dès le début la transparence dans les échanges, il n’est pas seul à travailler. Chaque collaborateur doit également jouer le jeu dans les échanges individuels comme dans les réunions d’équipe.